jeudi 1 août 2013

Princes incognito, par Antoine Blondin

"Funambule" (?!?) - 
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On m'avait dit que ça me plairait forcément. J'y avais tellement cru que je m'en étais tenu sagement à l'écart, comme d'un cousin stellaire qui aurait réussi là où je n'arrivais à rien. C'est donc, classiquement, par Un singe en hiver (La Table Ronde, 1959) que je viens d'entrer de plain-pied dans Antoine Blondin. Et, comme prévu, ça fait bang.

"Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait pas le vin mais l'ivresse. Comprends-moi : des ivrognes vous ne connaissez que les malades, ceux qui vomissent, et les brutes, ceux qui recherchent l'agression à tout prix ; il y a aussi les princes incognito qu'on devine sans parvenir à les identifier. Ils sont semblables à l'assassin du fameux crime parfait, dont on ne parle que lorsqu'il est raté. Ceux-ci, l'opinion ne les soupçonne même pas ; ils sont capables des plus beaux compliments ou des plus vives injures ; ils sont entourés de ténèbres et d'éclairs ; ce sont des funambules persuadés qu'ils continuent de s'avancer sur le fil alors qu'ils l'ont déjà quitté, provoquant les cris d'admiration ou d'effroi qui peuvent les relancer ou précipiter leur chute ; pour eux, la boisson introduit une dimension supplémentaire dans l'existence, surtout s'il s'agit d'un pauvre bougre d'aubergiste comme moi, une sorte d'embellie, dont tu ne dois pas te sentir exclue d'ailleurs, et qui n'est sans doute qu'une illusion, mais une illusion dirigée... Tu vas imaginer que je fais l'éloge de l'ivresse parce que Fouquet traverse une mauvaise passe actuellement et que ce garçon me plaît bien, en cela tu auras raison pour une bonne part ; autrement, je ne me permettrais pas d'agiter ce spectre devant toi, que j'ai tant tourmentée autrefois et qui m'as entouré d'une façon si vaillante.

(...)

Je doute qu'il ait jamais vraiment envie de boire. Ne ris pas... Représente-toi plutôt un promeneur qui aperçoit brusquement un couloir somptueux et s'y engouffre parce que rien ne le retient de l'autre côté de la rue."