jeudi 28 mars 2013

Le Sceau à Tips

Billet à valeur variable, République de Weimar.
Ouais, j'ai fait de l'histoire aussi.
Dans un pub, il y a toujours un seau à tips, un bac à pourboires, un objet de curiosité destiné à gonfler les poches trouées des officiants par la simple magie d'un coup de cloche ou d'un ding-ding ludique. Comprenons-nous bien : si la piècette posée en table au décollage, "pour le service", dispose encore d'un avenir, et c'est tant mieux, la petite urne en plastique obligatoire posée pépère à deux doigts de la caisse n'attise que rarement la générosité - et c'est tant mieux aussi. 
Ladite urne, pour le coup, est un peu le clodo posé devant un distributeur de billets, qu'on s'interdira bien souvent de gratifier d'un don parce qu'on se sent pris à la gorge, le larfeuille à la main, alors même qu'on lui aurait payé l'obole tranquille au coin d'une rue vierge de guichet bancaire. Parce que, pour le coup, le geste sera réellement gratuit, c'est-à-dire né d'un léger effort de notre part (trier les sous dans la poche, au jugé, pour les plus jeunes, sortir ledit portefeuille, pour les plus conservateurs), et donc conforme à l'idée que l'on se fait, depuis l'enfance, de la charité discrète, des dames patronnesses comme de l'opération sauvetage d'une princesse embastillée aux cheveux longs. Elle peut bien les avoir démesurés, cette dernière, si elle braille à la sortie d'un magasin proposant mousquetons et cordes de rappel, on hésitera à se lancer en escalade parce que tout ceci sent quand même bien l'arnaque.
Comme quoi, si l'homo economicus existe, ce dont je doute, il n'aime pas trop que le monde ressemble à la caricature libérale qui l'a fait naître. Il ne faut pas prendre, non plus, les idéal-types pour des pigeons sauvages.

Ce soir, donc, j'ai dîné avec mon père. Pendant que vous vous récitez mentalement le maisouetdoncornicar, pesez le pour et le contre, évaluez les caractéristiques propres à chacune de ces conjonctions de coordination voire, si vous êtes vraiment joueur, vous perdez confortablement dans l'analyse comparative des plus ou moins tirées par les cheveux méthodes mnémotechniques, pour conclure finalement que non, vraiment, là, ce "donc" n'a rien à faire, n'a aucun sens, ou alors un sens que vous ne pouvez pas comprendre et dans ce cas, sérieusement, pourquoi l'avoir ainsi lancé en pâture ?, je vais poursuivre, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. J'ai dîné avec mon père, donc, chose qui arrive assez rarement finalement, d'autant plus que je suis le troisième quart d'une fratrie nombreuse, que pour cette raison même les duos père/fils ou frère/soeur ou même mère/fille, sans même parler des frère/frère, mon dieu (j'ai lacé cette semaine les chaussures de mon frère sortant d'hôpital, et cette incongruité nous a franchement frappés tous les deux d'une manière aussi puissante que parfaitement disproportionnée étant donnée la banalité du geste - cela dit, je n'ai pas d'enfant, c'est peut-être pour ça, mais sans doute pas seulement non plus), conservent une rareté qui les rendent aussi précieux que bien souvent un peu lents au démarrage, et... oui, donc, j'ai dîné avec mon père, qui m'a raconté une histoire réellement passionnante sur la vie des saumons, et leur faculté à se laisser mourir sur pied, à abandonner des pans entiers de chair morte dans les lacs de haute montagne où ils s'éteignent après fécondation des oeufs (le frai, donc), tout simplement parce qu'ils savent d'une manière ou d'une autre que leurs organismes bientôt disloqués constitueront la seule matière nutritive consommable par les quelques mômes qui survivront de leurs ultimes ébats (Eros-Thanatos blablabla). Une histoire réellement passionnante, donc, qui ouvre des champs de réflexion assez immenses même en se tenant sagement à des lieues de la psychanalyse, ce que je ne peux que conseiller à tout un chacun de manière générale.

Mais là n'est pas le propos. Non plus. Revenons donc aux seaux à tips, à la valeur de l'argent, tout ça. A l'issue de ce dîner édifiant, donc - et le premier qui pense que j'ai ironisé en louant l'intérêt de cette histoire de poiscaille peut sortir immédiatement, sans même régler sa note, à condition de ne plus jamais revenir par pitié -, je débaroulai modérément chargé de Barbès à chez moi, et décidai du même coup - la chair est faible -, d'achever les quelques pages du livre que j'avais dans ma sacoche, posé à mon bar de prédilection - une sorte de machin très chouette, aussi anonyme que puissant à mes yeux de répondre sans en faire des caisses à quasiment la totalité des exigences de mon cahier des charges plutôt épais.

Deux pintes plus tard, je me levai pour payer, normal, et m'accoudai au bar pour régler mon dû : 7,60 euros, parce qu'ils ont gonflé les prix ces salauds. A ma gauche, deux minots - un gosse, une gamine, visiblement excités l'un par l'autre, et s'ils n'en étaient pas à leur premier rendez-vous, eux seuls n'étaient pas au courant que la chose allait bel et bien se faire ce soir, ce qui les rendait finalement presque à croquer. Je vous passe les détails - vous savez bien, ce n'est pas trop mon genre, de me perdre dans les détails insignifiants -, mais voilà qu'avec leurs deux pintes assises par devant la gueule, ils se trouvaient confrontés à un souci de taille : Petit Bonhomme, parce qu'il voulait payer, n'avait qu'une carte bleue pour le faire, alors même que les tenanciers ne sont pas très chauds, en général, pour accepter qu'on crache moins de dix euros par ce biais, alors que tant d'argent liquide bien frais se promène de par les rues.

Singeant quasi-mécaniquement le geste d'une classe absolue dont j'avais été quelques fois (mais pas tant que ça) témoin, de la part de vrais barons, sinon du crime, de la Nuit, je tendis ma carte en englobant leurs deux pintes, ce que ma compagne, comme ma banquière au demeurant, considéreront sans doute comme une nouvelle manifestation de mon inadéquation féroce au principe de réalité. Sans même les regarder vraiment, comme ça, quoi, deux mômes qui allaient vivre un truc, je m'immisçai ainsi de front entre eux, en quelque sorte, parce que le DAB était loin et chacun d'entre eux peu disposé à quitter l'autre ne serait-ce que quelques minutes.

Cette histoire, en soi, n'est pas fascinante, je vous l'accorde. Seulement, les conséquences de ce simple mouvement de la main au moment de payer mon dû me fournissent une matière intarissable (chouette, vous dites-vous) à réflexion et, mieux encore, à présentation de mon travail. Car enfin, quoi, un parfait inconnu vous offre un verre, à vous et à votre futur(e) amant(e), sans rien demander en échange, et sans être ivre mort qui plus est, que faire d'une telle incongruité ?

Le barman, pour le coup, parce qu'il me connaît quand même, m'a zieuté un instant pour vérifier qu'il avait bien compris, un autre instant pour s'enquérir de mon état, puis un troisième, rassuré, simplement pour marquer le coup. Le couple a eu l'air surpris, ce qui m'enchante autant que ça m'ennuie. Le garçon aux liquidités taries m'a tout de même tendu la main, un peu sonné, en me remerciant, et pour me demander, tout de même s'il pouvait "connaître [mon] prénom, au moins." Je lui en donnai un, le mien ou approximativement, parce que les super-héros comme les gentlemen savent faire preuve de discrétion quand ils font la charité gratuite, et la demoiselle d'interroger, souriante quoiqu'un peu inquiète : "vous voulez quoi en retour ?"

Bonne question, en vérité. Je voulais quoi, en retour, ma besace sur l'épaule et mon manteau déjà chaussé ? Boire un coup avec eux ? Certes non. Leur insuffler un souvenir sympathique et, précisément, désintéressé, qu'ils oublieraient sans doute dans les bras l'un de l'autre une heure plus tard ou bien, mieux encore, qui leur servirait d'anecdote rapide pour se dire un peu plus tard, c'est à dire au réveil le lendemain, qu'entre cela et un tas d'autres choses, cette soirée avait été quand même chouette. Un peu, certes, et sans doute. Mais pas seulement.

Je crois qu'en mon for intérieur, et excusez ma mièvrerie, j'ai envie de penser qu'il peut arriver - d'ailleurs, ça arrive, hein - qu'un parfait inconnu vous offre un coup dans un rade, à vous et votre futur(e), sans espérer forcément ni une oreille obligée à ses confessions dépressives, ni une victoire morale par la générosité, ni la réalisation brillante d'un vrai coup tordu, d'une triste farce dont l'un ou l'autre d'entre vous sera le dindon. Juste, qu'il reste un peu de ça dans ces lieux-là, et que personne n'en fasse un cirque.

Ni un post, idéalement. Mais nous n'en sommes pas encore là.

Dans un pub, il y a toujours un seau à tips. Et les rigolos qui jouent à y balancer leurs piécettes, parce que c'est drôle quand ça fait ding-ding et que les pauvres cloches qui y officient ne peuvent pas vraiment s'élever contre tout ce bordel - parce qu'on les stipendie gratis à grands coups de centimes d'euros -, y seront toujours moins importants que les fauchés qui font tomber exprès les mêmes cinq centimes sur le sol, pour le service, ou que les inconnus sans stratégie qui en rincent d'autres un instant simplement parce que 7,60 et 7,60 font cent balles environ, et qu'ils les ont, là, et qu'une mauvaise entrecôte dans un bouge guindé coûte exactement le même prix. Sans la surprise inscrite sur la jolie trogne des deux amoureux.

PS : Ok, j'ai triché, l'illustration n'est pas en noir et blanc cette fois-ci. Mais un scan de ce billet de légende que ma mère m'offrit un jour - sans doute pour me rappeler mes racines lorraines en même temps qu'elle me filait  un sympathique boost de confiance finalement un peu flippant quand on y pense - : "Tu vois, fils (dans cette hypothèse fictive, ma mère me cause, oui, comme si elle était un daron méditerranéen), en période de crise, même un billet de quelque mille Marks - rien, quoi, Toi en somme - peut muer un MILLIARD de Marks par la seule magie de l'estampille." Estampille, donc, chouette. C'est ce jour là, sans doute, que d'un même mouvement, j'ai ouvert le dictionnaire et saisi d'un coup TOUS les ressorts de l'industrie littéraire comme de l'imposture en général. Un simple tampon rouge, quoi.

lundi 18 mars 2013

Quatrièmes de couverts

Couverts - Avant-dernière entrée -
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grandes images)- mars 2013
Allez, ne boudons pas notre plaisir : un bon mot en titraille, ça met toujours en appétit. Certains journaux semblent l'avoir si bien compris qu'ils ne s'illustrent presque plus que grâce à cette parfaite compromission fun à notre époque Cool-parce-qu'il-faut-bien-rire-avec-la-crise (TM). Et cette digression vacharde teintée de réaction n'a aucun lien avec la suite de ce message confié pourtant - allez comprendre - au néant intergalactique des ventilateurs qui tournent et des fibres qui prennent la poussière en offrant ainsi bien souvent une seconde vie aux microbes souffreteux. Et effectivement, cette dernière phrase trop longue n'a rien à voir non plus ni avec la précédente, ni avec celle qui suit. Il va falloir vous y faire.

L'objet dudit message, donc, ainsi finement intitulé, ne consiste en rien d'autre qu'en une tentative de mettre des mots sur du sens, ou l'inverse, en somme de tenter de répondre à quelques questions que vous ne vous posez sans doute pas, à savoir : 
  1. Pourquoi ce blog-en-2013, donc. Et...
  2. Ah d'accord, mais alors de quoi ça va causer ce truc ? (seconde question que vous ne pourrez formuler dans vos esprits, et donc saisir à présent qu'une fois la réponse à la première question en partie obtenue, c'est l'astuce.)
Vous commencez à me connaître (si, vraiment, vous n'en avez simplement pas pris encore pleinement conscience), je ne vais pas vous balader pendant trois heures en laissant dégorger le fil de ma plume sans crainte des conséquences, comme ça, à longueur de pages-qui-n'en-sont-plus-au-sens-propre (même si les statisticiens du web vous soutiendront le contraire mais sérieusement, un "statisticien du web", quoi, trouvez-vous donc d'autres fréquentations avant qu'il ne soit trop tard), et ce sans vous apporter à terme le moindre début d'une réponse satisfaisante, ni même d'un propos un tant soit peu cohérent. Non, je préfère aller droit au but, et dissiper immédiatement vos craintes d'un auguste geste du bras droit (car je suis droitier) : les choses sont plus compliquées qu'il n'y paraît.
Si vous êtes présentement encore en train de vous demander  si l'expression "dégorger le fil de ma plume" est réellement correcte, tolérée voire même tolérable, ou plus simplement ordurière, visqueuse, approximative et peu méticuleuse, vous pouvez rester. Dans le cas contraire, avez-vous vraiment le choix de toute façon ? Au fond de vous, vous connaissez la réponse, alors merci de ne pas perturber la lecture des autres nombreux passagers d'ici-bas avec vos considérations méditatives à la mords-moi-la-plume.

Compliquées, effectivement, par l'action concomitante de trois mouvements d'importance, d'échelles diverses, à savoir les nouvelles pratiques éditoriales (1), la peur de m'emmerder (2) et une certaine nostalgie un peu ringarde (3). Pour le premier point, il est assez simple à comprendre : dans le livre, comme on dit, comme dans n'importe quel autre secteur industriel (le disque, la brique, le tableau-néon, le slip de bain), c'est la crise. Oui, exactement, la-crise, qui vous contraint depuis le début de votre carrière professionnelle à ronger votre frein en avalant des couleuvres (ce qui vous fait pas mal de trucs dans la bouche en même temps, vous ne trouvez pas ?), parce que "vous comprenez, pas cette année, la bourse elle chute et les avions aussi et la bulle Internet bam et Jean-Marie Le Pen à la présidentielle et ben Laden oui, ben Laden et les subprimes, les subprimes et Kerviel, là, la taxation des revenus la rigueur les dispendieux au pouvoir la sécurité les socialo-communistes au pouvoir mon divorce difficile comment vais-je payer mon voyage à l'Île Rodrigues, non, impossible vraiment, restez encore stagiaire deux-trois ans et je vous signe une lettre de recommandation pour la boîte de mon cousin si elle encaisse le coup pas sûr c'est dur pour lui aussi.
La-crise, donc, agitateur-économique-depuis-1974 (TM), s'est à son tour abattue, l'illettrée, la butorde (le mot existe, c'est Molière qui l'a dit), sur le livre. Ainsi, alors que la dimension numérique du bousin n'est pas encore vraiment au point, que la dimension papiérique de l'histoire n'a pas particulièrement appris à prendre vraiment les armes depuis Gutenberg, tous les acteurs de la chaîne sont à un moment contraints de s'harnacher solide et de bien se charger ferraille avant de monter au front. Celui qui a écrit son machin, celui qui publie le machin du premier, celui qui défend la cause de celui qui a publié devant les journalistes qui écrivent et les libraires qui vendent, voire celui qui a imprimé et aimerait bien qu'il y ait une suite à l'histoire ou celui qui, peut-être, aura lu et souhaitera aider le premier à surnager dans l'océan de forêts converties pâte à papier à la vitesse à laquelle un écrivain bien dans son corps réalisera la prouesse de convertir son maigre à-valoir (quand il en a perçu) en bon alcool bien frais - voire ses désillusions (qu'il expérimentera sans doute) en pauvre bière bien tiède.
Ainsi, on aura vu de-ci de-là se dérouler des tas d'incongruités devenues quasiment légions puis nouvelles normes : des auteurs inviter leur éditeur au pot de lancement de leur bouquin, des écrivains écrire directement aux journalistes pour leur faire l'article, des pigistes précaires priés très respectueusement de se rendre à des soirées de lancement de livres dont ils ne parleront jamais, etc. Ou encore des responsables d'un premier écrit décider, d'un commun accord avec leur éditeur, d'accompagner - parfois très en amont - la publication future de leur livre de toute une série de billets (ah ben oui, un blog, tiens, vous voyez bien qu'on retombe sur nos pieds finalement). Ces derniers peuvent ainsi tenter de répondre à au moins trois types d'objectifs :
  1. "préparer" l'arrivée du livre, comme on "prépare" un poulpe en lui fracassant le crâne sur les rochers. A la différence près qu'ici, le poulpe provient indirectement du règne végétal et les rochers ne sont autres que des lecteurs - notez l'inversion, puisque c'est alors la caboche de ces derniers qui risque avant tout de souffrir sous l'action répétée, ancestrale certes quoique sous une forme plus contemporaine, de cet arrière-petit-fils (perverti aux pièges de la modernité) d'un pêcheur-cueilleur samoa qu'est l'écrivain-blogueur. Et oui, moi aussi, cette dernière expression me fait froid dans le dos. Cela dit, le premier parmi vous qui trouve suffisamment de temps à perdre pour me confirmer ou non qu'il y a des poulpes au Samoa gagne un exemplaire dédicacé de mon livre qui n'existe pas - signé à l'encre, pour mieux filer l'hasardeuse métaphore qui fonde ce petit 1. En somme, il s'agit un peu de le faire exister avant qu'il n'existe réellement, à la façon dont les plus romantiques (ou les plus âgés) d'entre nous imaginent parfois le prénom de leur futur môme alors qu'ils ont certes déjà quelqu'un dans leur vie mais n'ont pas encore abordé avec ces heureux élus l'épineuse question de la reproduction biologique - c'est pour aujourd'hui ou pour demain.
  2. Cet objectif général, donc, se décline en deux pistes de travail, à savoir d'une part - méthode dite du dealer un peu aux abois - proposer un échantillon de ce que la chose sera, sans la déflorer totalement néanmoins, ceci afin d'appâter proprement le chaland. Dans le cas du marlou ci-dessus évoqué, il s'agira de filer une première dose gratuite un peu moins coupée au Mir Express, la transaction commerciale ne débutant qu'après cette première prise. A ce titre, cela dit, ma démarche ne respecte pas (encore ?) tous ces doctes préceptes d'épicerie à ciel ouvert, puisque la volonté de purifier le style pour livrer un premier pochon vraiment impec', susceptible de donner envie au lecteur de revenir, se heurte présentement au souhait de donner de la voix à fond, pour glisser un pied dans la porte et l'enfoncer d'un coup d'épaule, se faire un peu piteusement remarquer par une manière certes peu cavalière mais plus facile à identifier. Un peu comme si notre dealer d'un peu plus haut accostait le chaland interlope en lui promettant une première dose bien chargée en divers produits ménagers, farines animales et résidus de matières fécales, certes, mais "rassurez-vous, chaland, si nous devions être amenés à faire affaire ensemble, les produits que je vous livrerai seront très au-dessus de ça en terme de pureté comme de qualité (après tout, ceux-là vous les aurez payés, n'est-ce pas ?)" En bref, le grand n'importe quoi. La preuve : je n'ai pas encore osé prévenir mon éditeur de l'existence de ce blog (on va pas dire "site", hein, on ne va pas se mentir), craignant quelque peu sa réaction. Tiens, pour reprendre cette fois la métaphore précédente (pas celle du poulpe, celle de l'embryon), disons qu'il m'a donné son accord de principe pour que nous fissions un enfant ensemble, mais que je préfère attendre un peu que mon ventre se soit un peu arrondi aux angles pour lui avouer que, oui, en fait, la machine s'est quelque peu mise en branle le 12 mars dernier, et que le môme aura Peter Doherty - né ce jour-là, j'ai vérifié - pour parrain stellaire.
  3. Seconde piste, donc, et troisième point parce que cette énumération est vraiment mal organisée, celle désormais connue sous le nom de méthode du pénitent avant la faute : en dire un peu plus sur ce qui a présidé au projet, ce qu'il contient, le pourquoi du comment, essayer de le détourer au maximum pour qu'on ne le confonde pas avec un autre, un né sous le parrainage stellaire de Roch Voisine ou d'André Bézu par exemple (quoique je pourrais sans doute mieux assumer cette seconde influence - paix à son âme). En somme : tenter de se trouver des excuses avant même la publication du livre, son existence matérielle donc, en couvrant ça sous des tombereaux de notes d'intention, de professions de foi et de Je-vous-salue-Marie-annonnés-à-l'avance - ceci afin de gonfler par précaution mon crédit prières-d'expiation, on ne sait jamais. Parce qu'il faut que je vous l'avoue, aujourd'hui que nous en sommes arrivés à ce degré de proximité vous et moi (deux posts, une lecture complaisante mâtinée de gêne si vous me connaissez dans la vraie vie, une consternation un peu cruelle si ce n'est pas le cas) : j'ai un peu les foies, là, déjà. Donc je vais quand même essayer, rassurez-vous, de ne sombrer dans mes prochains messages dans aucun des deux écueils évidents de cet exercice quelque peu compliqué : 1. Déflorer mes effets écrits comme on explique une blague à quelqu'un qui ne l'a pas encore entendue. 2. Faire ma grosse pleureuse. J'allais ajouter un troisième point, à savoir "Vous embrouiller la tête", mais ça, désolé, je crains qu'il s'agisse là de notre lot commun, notre relation est ainsi faite - et puis je ne sais pas vraiment faire autrement. Et puis, je crois que j'aime bien ça, aussi.
Quel dommage, en tout cas. Nous voilà arrivés à la fin de ce second post et je n'ai eu l'occasion que de développer un des trois points promis, et encore : les nouvelles pratiques éditoriales. Ce doit être un peu frustrant pour vous, je suis certain que vous attendiez avec impatience que je développe les thématiques de mon-emmerdement et de ma-nostalgie-un-peu-ringarde - pour autant, indépendamment du fait que l'éclaircissement de ces deux items réside un peu dans la question (j'ai ouvert un blog le 12 mars 2013, quoi), j'y reviendrai peut-être un peu plus tard.

Ainsi que sur le livre à proprement parler, hein. Oui, ainsi que sur le livre à proprement parler.

PS (ça veut dire "après l'écrit" en araméen ou je ne sais plus quoi - je ne prends pas du tout ça comme un signe - cela dit, c'est vrai, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire, moi, comme boulot, post scriptum ? Bon, on verra bien, même s'il me faut bien commencer à prendre mes dispositions, je le saisis à votre regard quelque peu consterné - à moins qu'il ne s'agisse simplement d'assoupissement ?) : ce post est donc, comme convenu, illustré par l'avant-dernière image de la cinquième page "noir et blanc" de Google Images Incorporated. Saurez-vous déterminer quelle était le mot-clé de cette recherche (attention, c'est super dur) ?

mardi 12 mars 2013

Nouvelles chroniques barsiennes

Illustration générique -
Banque d'images à la con -
mars 2013
Pour bien commencer un blog, en 2013, car oui nous sommes en 2013 et des gens décident encore de "lancer leur blog" un peu comme un type de 35 ans pourrait tout à fait décider de "se mettre au skate-board" ou, je ne sais pas, une sorte de chat sans pattes mais né dans les années 20 disons de "faire un semi-marathon pour frimer ensuite à l'apéro" - et si vous trouvez que ces métaphores censées être drôle j'imagine oui vous imaginez bien ne fonctionnent pas du tout c'est tant pis -, pour bien lancer un blog, donc, en 2013 merci de me le faire remarquer, quelques règles d'or règnent en maîtresses pas particulièrement coulantes, qu'il s'agira avant tout de respecter si vous voulez avoir la chance de faire du chiffre. Oui, parce qu'il faut arrêter aussi avec le gentil discours : non, en 2013 comme à l'époque en, pfiou, 2002 j'imagine, personne n'a jamais lancé un blog - du latin weblog le saviez-vous ? - pour le simple plaisir de livrer au monde son horaire précis de descente des poubelles-parce-qu'elles-commençaient-à-sentir-vous-comprenez, voire son avis sur tel ou tel livre ou film ou spectacle avant de descendre les poubelles, non, en 2002 comme en 2013, on ouvre un blog pour faire du chiffre, pour scorer oui en un sens merci aux trois Kevin devant qui suivent même si je ne suis pas certain que nous ayons tout à fait la même définition du terme eux et moi - en même temps, quelqu'un qui utilise encore l'expression "Kevin" pour qualifier un jeune en 2013, merci de me le faire remarquer, n'est pas forcément très bien placé pour s'en faire comprendre n'est-ce pas.
Parmi ces règles, en premier lieu - mais nous reviendrons bientôt à cette question de lancer-un-blog-en-2013 (TM) parce que je sens bien qu'elle vous passionne exactement autant que moi, c'est-à-dire plutôt modérément, mais que voulez-vous, je suis là, vous êtes là, nous nous connaissons mal et il faut bien parler de quelque chose -, surtout, celle qu'on pourrait qualifier de règle d'or des règles d'or (pour le simple plaisir d'insérer une expression lourde dans un texte qui l'est déjà assez) : ne jamais publier de pavés. Plus précisément, éviter à tout prix de rédiger des papiers longs comme le bras, des paragraphes trop indigestes, et n'allez pas pleurnicher ensuite s'ils ne sont pas lus "alors qu'il n'y avait que deux phrases par paragraphe", parce que s'il n'y a que deux phrases par paragraphe et que ces derniers sont tout de même beaucoup trop massifs, faites un peu d'arithmétique nom de dieu et vous comprendrez vite que vos phrases sont beaucoup trop longues. Aérez, quoi, et cessez de chouiner.
Ce qui constitue d'ailleurs, il n'y a pas de secret, le second mot d'ordre : ne faites pas de phrases trop longues, d'interminables développements entrecoupés d'incessantes digressions, donnant à vos lecteurs surtout l'impression que vous êtes complètement sous l'emprise de substances plus ou moins légales (rien ne vous empêche en revanche de le leur laisser entendre au demeurant, c'est même plutôt un plus en terme de crédibilité et de coolitude de manière générale (mais évitez d'utiliser le mot coolitude quand même qui est très connoté fin-2004 début-2005)), voire lancé dans une forme de transe écrite de type parfaitement automatique que les rares passants venus s'égarer en vos terres vous reprocheront sans doute à l'issue de leur lecture, les yeux en sang et confrontés à un effrayant constat : tout ceci ne menait à rien.
Ah oui, parce que c'est important aussi,

ça : si vous vous mettez ainsi un jour à écrire un post sur un blog (oui en 2013, on a compris), surtout, essayez de faire en sorte d'avoir

quelque chose à dire (aérez votre texte certes, mais ne le faites pas au milieu d'une phrase non plus c'est pénible). A défaut, tout le monde n'étant pas François Mauriac ni même Christophe Barbier (pour citer un nom que les jeunes ne connaissent sans doute pas non plus et ce n'est pas un mal mais disons que le type est encore vivant c'est déjà ça), si vous tenez vraiment à rédiger votre blog pour faire au monde la narration, je ne sais pas, de la fois où vous vous êtes cassé la jambe au ski ou encore afin de galvaniser les esprits en leur expliquant en quoi le dernier Florian Zeller est vraiment mortel (parce que vous aviez moins de 15 ans dans les années 90), excellent (parce que vous êtes quelqu'un de très secret, de très en-dedans) ou encore jubilatoire (parce que vous êtes un critique littéraire un peu feignasse), essayez de le faire avec un tant soit peu de panache - votre jambe convalescente en a bien besoin, moins Zeller mais quand même un peu aussi. Je ne sais pas, moi, réfléchissez deux secondes avant de vous mettre à écrire (votre blog n'en sera que supérieur à pas mal d'autres, à celui-ci notamment mais pas que - à pas mal d'articles de presse aussi, tiens), racontez votre histoire en faisant référence aux fées ou à la cosmologie viking, ouvrez un livre et parcourez-le deux minutes ou une heure avant de vous asseoir à votre bureau, mangez une barre chocolatée ou une bière si ça vous provoque des fulgurances, mais... du panache. Vous n'avez rien à dire ? Ce n'est pas forcément un drame : vos lecteurs ne sont pas censés le savoir (ni censés le découvrir dès votre deuxième ligne, c'est l'astuce.)

Quelques remarques d'ordre esthétique, ensuite. Pardon, quelques règles d'or esthétiques, ensuite (vous voyez, vous remplacez un mot par un autre et vous avez l'air intelligent - essayez, vous verrez.) Bossez donc un peu le truc, quoi (elle ferait bien sur les Tables de la Loi, celle-ci, tiens). Faites-en sorte de ne pas accueillir votre lecteur avec cinq polices différentes - une faussement décalée (ah oui, tiens, vous êtes journaliste aussi, donc) pour le titre du blog (qui ne sera pas forcément constitué d'un jeu de mots pourrave, ni a fortiori d'un double jeu de mots pourrave, et par pitié cessez d'utiliser le mot "pourrave", il n'a plus cours depuis des lustres - du latin "cinq ans", le saviez-vous ?), une scolaire en bleu moche pour la date, une littéraire kitsch pour le titre des posts, une banale pour le texte ("tu comprends, sinon les gens ils liront pas"), la classique imposée par votre hébergeur parce que vous ne maîtrisez pas du tout le HTML. Non, tout ça, il faut le proscrire. Renseignez-vous pour tenter de savoir si la photo d'arrière-plan que vous avez trouvé à l'arrache sur Internet en tapant "bar" sur Google Images (puis en affinant la sélection aux seuls clichés noir et blanc parce que vous n'êtes pas photographe et pensez comme tout le monde que "le noir et blanc fait beaucoup plus artiste, beaucoup plus sérieux", sans relever au passage l'étrange association des mots "artiste" et "sérieux", complètement influencé que vous êtes par les prestations des chanteurs au concert des Enfoirés), que ladite photo, donc, est bien libre de droits - en l'occurrence sûrement pas puisque tirée d'un album privé de gens que vous ne connaissez pas et qui, la preuve, figurent sur le cliché même si vous tentez de planquer cette évidente atteinte aux droits de la vie privée en cachant leurs frimousses sous votre bloc de texte, "tant pis pour eux ils n'avaient qu'à pas la publier sur le net" - belle mentalité vraiment que la vôtre.

Pour finir, et surtout j'ai envie de dire (vous pouvez aussi proscrire les formules toutes faites comme "j'ai envie de dire" ça allégera peut-être le texte et vous fera sans doute passer pour moins peuple), mais autant éviter de le dire parce qu'un tel aveu d'incapacité congénitale à hiérarchiser l'information, hein, ça la fout un peu mal [expression prépubère, à remplacer], si vous faites le choix Ô combien ringard d'illustrer systématiquement tous vos textes dès la première ligne, et seulement au début, toujours à gauche et des illustrations en noir et blanc s'il vous plaît parce que [voir plus haut], évitez par pitié d'utiliser la première image listée sur Google Images (qui est définitivement votre ami semble-t-il) en réponse à votre recherche sommaire liée au sujet principal de votre post (je ne dis pas "papier", hein, je ne veux pas me foutre du monde non plus mais sans rancune.) Je ne sais pas, au pif, foncez à la cinquième page et prenez l'avant dernière, pour vous donner un genre.

Dans mon cas (recherche : "blog" en noir et blanc), ça donne ça, bon :
Blog - Avant-dernière entrée -
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grandes images)- avril 2013
Ce n'est pas une science exacte non plus.
Cela dit, ça me donne une nouvelle idée-vaine (TM), tiens : à partir d'aujourd'hui, j'utiliserai systématiquement l'avant-dernière image de la cinquième page de Google Images pour illustrer mes posts. On va bien rigoler je vous dis que ça. C'est un peu de l'Oulipo, t'vois ?

Enfin, et surtout ("ah mais je croyais que c'était fini cette logorrhée", ben non désolé), si vous décidez un beau jour de dresser la liste des "règles d'or" de quelque chose, n'importe quoi - ce que je ne vous conseille pas, le côté "donneur de leçons" à peine sorti de l'oeuf ne vous attirera probablement pas que des amis, il vaut mieux éviter s'il vous plaît d'oublier d'homogénéiser lesdites - à savoir, rédiger la première à l'infinitif, la seconde sous forme d'adresse, etc. Déjà qu'il y a fort à parier que vous passerez rapidement pour un fâcheux à dresser ainsi des listes d'injonctions sorties de nulle part, autant ne pas transformer l'essai en exhibant au monde votre flemme de vous relire et votre faible méticulosité quant à l'érection de listes. Si vous êtes décidé à faire des listes, faites les proprement au moins, merde. Imaginez un Décalogue ainsi "rédigé" : tu ne tueras point, évite de commettre l'adultère dude, le vol c'est niet - ça a quand même moins de gueule, quoi.

Enfin (oui, je sais, c'est le second "enfin" et il y avait un "pour finir" introductif juste avant), et surtout, surtout (allons-y gaiement dans la répétition, après tout, si vous en êtes là c'est que la disposition des mots et le rapport entre signifiant et signifié n'a que peu d'importance à vos yeux), n'hésitez pas à chaussette girafe plusieurs fois par carotte. 

Si vous n'avez pas tiqué à la lecture de cette dernière phrase, c'est que mon diagnostic était bon.

Poursuivons. Enfin et surtout-surtout, donc, essayez de conserver un tant soit peu de considération pour vos lecteurs, et ne passez pas votre temps à les duper en utilisant des titres de posts n'ayant rien à voir avec le sujet dudit, donnant ainsi l'impression, au mieux, que ceux-ci sont rédigés au fil de la plume, sans réflexion ni destination précise. Ca, c'est niet bien sûr. La preuve ici, puisque tout un chacun l'avait saisi, la destination était bien entendue programmée bien à l'avance (j'ai commencé à y penser il y a deux ans je crois) : il s'agissait d'emmener tout le monde à lire l'expression "plusieurs fois par carotte." C'est chose faite, je suis ravi et vous remercie pour votre lecture attentive. Demain, je vous développerai sans doute mon vrai projet.